Les artistes graffeurs congolais expriment des messages puissants sur les murs de Kinshasa. Ces graffitis évoquent plusieurs thématiques : l’éveil de la conscience, la protection de la nature, les réalités kinoises et autres. Sous le saut-de-mouton de l’avenue de la Libération entre la commune de Lingwala et de Gombe, ces artistes ont aussi peint les poteaux et les murs en hommage de quelques grands musiciens congolais qui ont marqué l’histoire sonore de la RDC.
Les passants se pressent en ce samedi pour échapper à la chaleur accablante. Ils passent sous le saut-de-mouton et la route qui enjambe l’avenue Nyangwe sans jeter un oeil aux graffitis apposés sur ces murs.
Nul ne prête attention à ces dessins qui couvrent tous les poteaux et les murs de cette infrastructure routière qu’on appelle ici “saut-de-mouton”. Aux alentours, les klaxons et le grondement des moteurs sont entêtants. Des motards occupent les quatre coins de ce carrefour en attendants que des clients viennent solliciter leurs taxis-motos. Les vendeuses de la place sont occupées à leurs commerces: vente de bouteilles d’eau, de fruits, de biscuits. Et tout autour, une foule toujours en mouvement.
Certains visages dessinés sur le béton repésentent des musiciens bien connus du grand public. Mais cela ne suffit pas à capter l’attention. Les messages qui accompagnent ces peintures, en revanche, sucitent quelques interrogations.
» C’est pour rendre le lieu plus beau «
De nombreux passants se questionnent sur les messages de ces graffeurs. « Que veulent réellement dire ces artistes ? ».
D’autres pensent que ces graffitis sont simplement artistiques : destinés à embellir le lieu. « Ces dessins sont purement artistiques. C’est pour rendre le lieu plus beau ».
Pourtant les visages des musiciens peints sur ces murs disent quelque chose aux passagers qui empruntent cette route. Ces graffeurs reproduit les visages de Luambo Makiadi, Papa Wemba, Grand Kallé, Tabu Ley Rochereau, Simaro Lutumba. On trouve aussi une femme transportant plusieurs livres sur sa tête ainsi qu’un militaire congolais tenant un instrument semblable à une guitare et une arme à feu, chantant en crachant du sang qui coule pour former un lac à ses pieds.
Certains jeunes Kinois et Kinoises interrogés disent ne pas prêter attention à ces graffitis. « Je n’y comprends rien alors je m’arrête pas ”, explique l’un d’entre eux.
Quelques uns parviennent à identifier les visages représentés sur ces murs après un petit moment d’observation. Pour eux, ces graffeurs rappellent au public quelques grands musiciens congolais.
Sur la fresque qui représente le chanteur et compositeur Luambo Makiadi, sous ce saut-de-mouton, les graffeurs ont écrit un texte en lingala « ya biso ». Ce qui peut être traduit en français par « des nôtres ».
Au-dessus du graffiti qui représente Tabu Ley Rochereau, on lit le mot « rumba ». Ce style musical a vu le jour à Cuba avant de conquérir le Congo. La rumba congolaise a été inscrite en novembre 2016 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.
Pour Jean Wombe, artiste peintre, illustrateur et bédéiste, les graffitis n’intéressent nullement les Kinois. Il ajoute qu’il n’y en a pas trop à Kinshasa.
L’artiste affirme que ces graffitis véhiculent des informations. Des messages que la population kinoise assimile souvent à ceux des gangs. Une catégorisation qui fait que les Kinois ne s’intéressent pas vraiment aux graffitis qu’ils voient souvent sur les murs.
Jean Wombe juge aussi que « le graffiti c’est artistique et le Kinois prête trop peu d’attention à ce qui est artistique, que ça soit sur le plan de la lecture ou sur le plan de l’image. Ça ne l’intéresse pas trop, il est plus dans d’autres choses, le commerce par exemple, pas le graffiti en tout cas.».
Tous ces graffitis ont été apposés sous ce saut-de-mouton dans le cadre de la 4e édition de Kin-Graff, Un événement organisé par la Bracongo à travers sa marque World Cola.
Ce festival vise à sensibiliser les Congolais aux bonnes valeurs à travers des messages positifs : l’implication des jeunes dans le développement de la nation, la paix, la lutte contre les fléaux mondiaux et la diversité culturelle.